Mon cheminement sur l’éducation et la place de l’enfance
Inspirée par mes contributions au Marie Claire Enfants, je déroule le fil de mon parcours, non linéaire (et bancal) dans la parentalité. J'espère que vous y trouverez un écho, et quelques raccourcis.
#1. Quand mes filles étaient petites
D’où je parle
J’avoue, je suis plutôt team “parent hélicoptère” : celle qui a peur de tout et empile les consignes tout en prônant l’autonomie. Mais je suis aussi celle qui écoute, s’informe, essaye de comprendre, et tente d’appliquer (sans vraiment y parvenir) les conseils distillés dans mes nombreuses lectures.
Entre blocages et automatismes reçus en héritage et soif d’apprendre et de “mieux faire” c’est le grand écart permanent.
Cheminer ça veut dire que rien est figé et qu’il n’est jamais trop tard pour comprendre, changer ou agir. Chaque jour, chaque minute, on peut décider de faire autrement.
Enfant je voulais être Punky Brewster et rêvais d’une vie de famille à l’image de celles des séries de l’époque comme “8 ça suffit ”, “Madame est servie” ou “Papa Poule” (pour la version française). Je n’avais aucune idée de ce qu’était une enfance idéale, mais ce joyeux bazar me rassurait (j’ai finalement grandi en posant un cadre plutôt rigide pour me mettre en sécurité…).
Dans mon lycée, le célèbre pédopsychiatre Marcel Rufo était venu faire une conférence et j'avais été bouleversée par ses récits d’enfants et d'adolescents en souffrance. Ayant eu une enfance disons « atypique », je n’avais jamais vu les choses sous cet angle : il y aurait une “manière de faire” ou de “ne pas faire” pour éviter la souffrance psychologique des enfants ? Et surtout, il y avait des personnes dont le métier était d’aider les enfants et adolescents “à se sentir mieux”. C’était décidé j’allais devenir pédopsychiatre.
Bon, j’ai vite compris que mon niveau en maths ne m'amènerait pas vers des études de médecine et j’ai basculé sur du droit… mais cette idée ne m’a pas quittée.
Prendre soin
A la naissance de ma première fille (il y a 19 ans …) j’avais tellement peur de ne pas être une “bonne mère” (pas facile de se détacher de cette croyance inconsciente) que j’ai lu tout ce que j’ai pu, avant et après la naissance. Du livre sur l’allaitement aux « guides » en tous genres sur la parentalité, you name it ! Comme tout le monde, on tâtonnait et on faisait bien comme on pouvait. Un enchaînement de défis, expérimentations, joies intenses et mode panique.
“Bien s’occuper des enfants” passait pour moi (et passe encore) par ce que je nommerais le “soin” : nourrir (et cuisiner), sécuriser, câliner ou s'assurer que tout se passe bien à l’école. Un cadre qui me semblait assez clair et que j’arrivais à mettre en place. Je n’avais pas vraiment en tête des notions comme l’estime de soi ou l'autonomie par exemple.
Cette engagement autour du soin était mon “langage de l’amour”. Au fil du temps, j’ai compris que ce n’était pas un langage que mes enfants comprenaient complètement et qu’il fallait que j’apprenne à parler un peu mieux le leur.
Aider à bien grandir
Vers l’âge de cinq ans, ma cadette, s’est retrouvée prisonnière d’angoisses intenses (en gros c’était “NON”, crises à répétition et la panique totale face à toute situation nouvelle… on ne savait plus comment faire). Nous sommes alors allés voir une psychologue, de celles dont le contact circule entre copines en mode “franchement elle nous a sauvés, si tu a besoin d’une psy un jour, c’est elle qu’il faut voir” autant dire que l’attente était forte ! En début de séance, elle lui demandait «tu sais pourquoi tu es là ? Pour qu’on t’aide à bien grandir. »
C’était simple comme objectif et pourtant, quels sont les ingrédients pour que ce soit possible ? D’un point de vue micro, dans la famille, mais aussi plus largement au cœur de la société.
A partir de ce moment-là, cette question est devenue un peu comme une quête.
“Bien grandir” c’est bien ce que je souhaite pour mes enfants. Ce que ça veut dire précisément ? C’est peut être différent pour chacun. Pour moi cela sous-entend quelques piliers (dont j’ai compris l’importance au fil du temps) comme : la sécurité, la liberté d’être soi, la confiance en soi, l’estime de soi, l’autonomie et l’ouverture vers les autres et le monde.
En travaillant pour Marie Claire Enfants sur des sujets aussi divers que les jeux de société, la philo, l’innovation pédagogique ou les violences sexuelles faites aux enfants, je me suis rendue compte à quel point ce “bien grandir” n’était pas, en France, au cœur de notre projet éducatif collectif.
Mais comment ce “bien grandir” s’accorde-il avec “éduquer” ? De mon côté, j’étais tiraillée entre ces deux notions, je trouvais que la balance entre “laisser suffisamment de liberté et faire confiance” et “protéger, guider et éduquer” était vraiment difficile à trouver. La peur prend souvent le dessus et la “surprotection” n’est jamais loin chez moi… N’étant pas seule à élever mes enfants, c’est une grande chance de pouvoir avoir une autre vision et des repères solides que je n’ai pas toujours.
Dans son livre “Anxious Generation” Jonathan Haidt parle de “mode découverte” vs “mode défense” , une manière intéressante de penser cet équilibre, qui m’aurait sans doute aidé à l’époque.
Les émotions jouent également un rôle important dans l’équation et quand mes filles étaient petites, on commençait tout juste à parler de cette donnée. Apprendre à écouter ses émotions, les accueillir et les traverser a été d’une grande aide pour toute la famille. Chacun à sa manière (méditation, yoga, musique ou encore méthode Tipi ) cette nouvelle compétence nous aide encore aujourd’hui.
Maintenant que mes filles sont plus grandes et que l’on traverse l’adolescence (qui fera l’objet de la newsletter #2…), Il y a plein de choses que j’aurais aimé faire différemment bien sûr. Mais j’accepte aussi que c’est ok de faire des erreurs, que c’est un Work In Progress permanent.
Si on ne peut pas toutes et tous devenir des experts de la pédagogie, on peut, peut-être, un peu comme pour la prise de conscience écologique (coucou
) : picorer, questionner, expérimenter, écouter ce qui fait écho en nous.Alors qu'Elisabeth Born voudrait que nos enfants se préparent à leur futur métier dès la maternelle (?) et que Bill Gates prédit la semaine de travail de 2 jours d’ici 10 ans, peut-être qu’au contraire il faudrait les laisser être des enfants le plus longtemps possible et repenser leur place au cœur de notre société.
Récemment, une étude de l’université de Princeton a éclairé la manière dont la fierté et l’émerveillement peuvent rendre la parentalité plus lumineuse. Bien que ces deux sentiments se soient tous deux révélés bénéfiques, le sentiment d’émerveillement semble avoir des effets plus profonds sur le bien-être global :
« Nous constatons que l’émerveillement peut en réalité renforcer le bien-être parental de façon plus large et holistique que la fierté, rendant la vie des parents plus heureuse, plus riche de sens et plus foisonnante d’expériences ».
Ça tombe bien, les enfants sont souvent des experts en émerveillement. Une piste à explorer !
Ce qui m’a aidé ou me fait avancer :
Les psys croisés sur notre chemin (même quand ça ne collait pas trop, on a toujours appris quelque chose ou cela nous a forcé à changer de direction… “trust the process”).
Mes amies-boussoles à suivre :
Amélia Matar. Ses chroniques essentielles “Question D’éducation” sont à écouter tous les dimanches matins sur France Info)
Solenne Bocquillon-Le Gouaziou (Substack :
/ Youtube). Son engagement sans faille pour le bien grandir est un cadeau.. Son approche de l’enseignement de l’écriture m’a énormément éclairée.M'engager dans l’éducation et l’amélioration du bien grandir des enfants.
La musique partout, tout le temps (maintenant on a des playlists familiales qui mettent tout le monde d’accord)
Trois convictions qui m’accompagnent
Prendre soin de moi d’abord, pour pouvoir prendre soin d’elles.
Partager avec ma tribu (famille, ami·e·s, pros) : l’entraide et l’échange valent tous les manuels.
Lâcher la perfection : tout est apprentissage, tout le temps (le point plus difficile pour moi)
Quelques une de mes ressources déclics ou soutien :
Lectures
Ce que les enfants nous enseignent de Sophie Marinopoulos
La BD Émotions Enquête et Mode d’Emploi (en 3 tomes) d’Art-mella
Generation Anxieuse de Jonathan Haidt
Préparez aujourd’hui vos enfants au monde de demain de Solenne Bocquillon-Le Goaziou
Marie Claire Enfants, les sujets sont engagés et essentiels, je me sens très reconnaissante de faire partie de cette aventure.
Podcast/Films & docs
Les partages de la thérapeute Emmanuelle Piquet et son podcast
Le documentaire “Réinventer l’enfance” d’Eve Simonet
Le film Captain Fantastic de Matt Ross
J’ai regroupé plus de ressources par ICI.
Merci d’avoir embarqué dans ce premier (long) Short Cuts. Vos retours, anecdotes et raccourcis sont (plus que) bienvenus !
À vite
Murielle
xxx
Tes filles ont la chance d’avoir une mère qui veut bien se remettre en question lorsqu’elle a merdé. ça n’a pas de prix. De mon côté, ce qui m’a aidé le plus avec mon ado est d’apprendre à lui faire confiance (en sa résilience, en sa capacité à traverser les difficultés, à atteindre ses objectifs). Et à me faire confiance en tant que parent. ♥️
Merci pour la mention 🙏🏻